Entre Toulouse et Carcassonne
Nous sommes mi-septembre... Cela fait un peu plus de 2 mois que j’ai entamé mon « voyage initiatique ». Il est temps de me rapprocher de la région Rhône-Alpes, après toutes ces semaines d’expatriation…pour aller voir ce qui se fait dans mon coin.
Je rejoins Tom et Jonny pour une soirée sur Toulouse et reprends la route le lendemain, direction Lanta, un village à une vingtaine de kilomètres, à l’est de Toulouse. Je vais rencontrer un agriculteur céréalier. Une nouvelle porte s’ouvre pour moi. Je ne connais pas du tout ce métier. Les dimensions des parcelles, les volumes de production, la grandeur des bâtiments et les modes de commercialisation m’impressionnent. Xavier prend notamment le temps de me montrer les outils informatiques qu’il utilise pour suivre le cours des céréales, et ainsi prendre les meilleures décisions possibles pour vendre sa production. Ce métier allie des compétences très diversifiées, et notamment des compétences en lien avec la bourse….je suis impressionnée. Je ne me rendais pas compte de tout cela. Sa femme et lui-même m’invitent à passer la soirée avec eux. Je ne repartirai que le lendemain, direction Ste Eulalie.
Ste Eulalie, un village entre Castelnaudary et Carcassonne. J’ai rendez-vous avec Gilles. Il est vigneron et militant au sein de la Coordination Rurale, un syndicat d’agriculteurs. Des choses, il en a à dire, et à la pelle. Je l’aurais écouté pendant des heures encore! Je suis gentiment accueillie par ses enfants. Ils ont entre 25 et 30 ans, et sont présents à ce moment-là sur l’exploitation pour des raisons diverses….ils n’habitent pas ici en temps normal. Le fait qu’ils soient là… ben c’est super !! D’abord, parce que c’est une belle occasion pour moi de les rencontrer. J’apprécie leur gentillesse, leur accueil, leur curiosité, leur côté entreprenant, toutes ces idées qui leur trottent dans la tête et ce doux mélange qui semble ressortir de leur fratrie : entre valeurs communes, et le fait que chacun semble aller vers sa vie.
Gilles est en pleine période de vendange, le rythme est soutenu ! Nous le voyons apparaitre vers 21h. Le temps du repas, et c’est une avalanche d’idées, de convictions, d’années de combat qu’il m’explique. Avant d’être vigneron, il était lui-même céréalier. Et puis, il y a une dizaine d’années, il a eu la possibilité de reprendre cette exploitation familiale. Alors, il a observé ce nouveau domaine d’activité, s’est renseigné, s’est formé, a investi. Et voilà 10 ans qu’il le pratique.
Sa passion il a apparemment su la transmettre : ses enfants semblent se passionner pour ce métier. L’un est en train de monter un bar à vin à Bruxelles avec sa femme, l’autre travaille chez un vigneron dans l’Hérault, tandis que la 3ème se forme à biologie. Quand ils regardent vers l’avenir, les 3 enfants se laissent porter par une question : n’y aurait-il pas moyen de trouver une équation logique entre l’existant de l’entreprise actuelle, les compétences que nous avons tous les 3 et la façon dont nous voyons l’avenir de l’exploitation ?
J’interroge Gilles sur son engagement au sein de la Coordination rurale. Ce syndicat a été créé au moment où l’Union Européenne a mis en place la PAC (Politique Agricole Commune). Persuadés que la mise en place de subventions à destination de l’agriculture allait dévaloriser ce travail de la terre, et que ça aurait des conséquences financières importantes pour ces personnes qui se lèvent tous les matins et travaillent dur pour produire les produits agricoles dont chaque homme a besoin de manière quotidienne pour se nourrir. Il faut en avoir du courage, de la conviction, de la persuasion pour se battre, à quelques-uns contre un mouvement qui prend une dimension européenne. Derrière ce combat, Gilles et les autres défendent un revenu, la reconnaissance d’un métier et la valorisation de l’agriculture.
Je suis impressionnée par l'engagement de ces hommes, et repars le lendemain en me demandant si mes épaules seraient suffisamment larges pour supporter ce genre de combat..?!